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La socca de Thérésa


Tous les jours de la semaine sur le cours Saleya dans le vieux Nice, Thérésa vêtue de rouge et de noir et parée de lourds bijoux d'or, vend sa socca, une fine galette à base de farine de pois chiches et d'huile d'olive.

La légende veut que la socca, une spécialité locale, soit née alors que Nice était assiégée par les Turcs en 1543. L'idée de la socca serait venue aux Niçois en déversant sur leurs ennemis de l'huile bouillante mêlée de soupe de pois chiches. La réalité est moins romantique. Il est plus plausible que la socca soit une lointaine parente de la farinata ligurienne, une sorte de polenta de pois chiches cuite au four qui aurait évolué en traversant la frontière.

Avec ses longs cheveux de jais, cette Thérésa-ci pourrait être la petite-fille de la première Thérésa, une cuisinière italienne qui s'est installée dans le Vieux Nice où elle aurait été la première à vendre la socca dans les années 1920. La Thérésa d'aujourd'hui s'appelle en réalité Suzie Achor. Née en Israël, elle est Niçoise d'adoption. La recette niçoise est entre bonnes mains, malgré l'origine étrangère de la cuisinière, puisque « les pois chiches font partie de la diète de tout le bassin méditerranéen », explique-t-elle.

Thérésa étant le nom du restaurant que Suzie et son mari Gilbert ont acheté il y a une quinzaine d'années, ils ont jalousement gardé la recettte et le nom, «pour perpétuer la tradition », ajoute celle qui s'est alors glissée dans le rôle de Thérésa.

Le restaurant en question, qui ne sert plus de socca sur place, est situé sur la rue Droite, à quelques centaines de mètres de l'étal de Thérésa. C'est là que la socca est cuite dans un four à bois avant d'être livrée par Gilbert sur le cours Saleya. Pour fournir à la demande des clients, il fait la navette entre des dizaines de fois par jour sur une mobylette remorquant un récipient qui peut garder une ou deux soccas au chaud. Inlassablement, Thérésa coupe des parts de socca en forme de demi-lune et les emballe dans du papier en bavardant avec ses clients, les habitués comme les touristes.

Casse-croûte des travailleurs et des promeneurs ou lunch sur le pouce, la socca se mange chaude, roulée dans un papier et saupoudrée de poivre. On la déguste en déambulant dans le marché ou attablés au stand de Thérésa. Elle s'accommode alors à merveille d'un petit de rosé du pays.

Louise Gaboury