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Le temazcal, un traitement pour l’âme et le corps


Le nom de cet ancien rituel autochtone relié à la médecine traditionnelle mexicaine vient de la combinaison de deux mots Nahuatl décrivant le lieu où il prenait place. Dans la langue des Aztèques, temas signifiait bain et calli, maison. Le temazcal est donc littéralement une maison de bains où se déroule le temazcal, un traitement qui implique la sudation, un peu comme les thermes romains, le « sweat lodge », le sauna et le hammam dans d'autres cultures.

La tradition ancienne du temazcal a été assez largement répandue chez les Aztèques, les Mayas et les Zapotèques. Ils considéraient le temazcal comme un traitement « médical » pouvant soulager, selon les herbes utilisées, des maladies de la peau et des problèmes respiratoires. Certaines pratiques s'appliquaient plus spécifiquement au suivi de la grossesse, à l'accouchement et aux relevailles. Après l'arrivée des Espagnols, les conquérants, outrés par l'idée de ce bain rituel qui rassemblait hommes et femmes nus dans un endroit clos, ont tenté sans succès de limiter le temazcal avant de l'interdire complètement.

La tradition a pourtant survécu jusqu'à nos jours. Les hôtels mexicains, notamment ceux de la Riviera Maya, l'ont redécouverte il y a quelques années. Maintenant, en plus des services de spa, des salles de gym luxueuses et bien équipées, et de salles de classe pour le spinning, le step, le yoga, etc., plusieurs d'entre eux proposent des sessions de temazcal, qu'ils ont plus ou moins délesté de sa vocation médicale première.

Ces sessions se déroulent dans une sorte de hutte de briques qui prend souvent la forme d'un igloo. La chaleur y est provoquée par l'introduction de pierres volcaniques incandescentes sur lesquelles le chaman ou la temazcalera, comme on appelle la femme qui préside au temazcal, jette de l'eau dans laquelle ont mariné des herbes aux vertus diverses. Selon la tradition, le temazcal représente l'utérus, et les pierres brûlantes qu'on y introduit symbolisent le sexe de l'homme. La porte basse qui permet de pénétrer dans cet espace obscur, chaud et humide renforce l'allégorie et l'idée que chaque session de temazcal provoque une sorte de renaissance.

Une expérience intéressante

J'ai goûté l'expérience du temazcal à l'hôtel Westin de Cancun. À mon arrivée sur la plage, le temazcal est prêt. La temazcalera, une sud-américaine vaguement Nouvel-Âge, initiée à l'art du temazcal par un chaman, nous y attend. Nous sommes une dizaine de participants. Elle nous présente l'homme qui entretient le feu où chauffent déjà les pierres volcaniques, nous explique soigneusement le déroulement de l'opération, répond aux questions et rassure ceux qui craignent la chaleur ou l'attaque de claustrophobie.

Avant d'entrer, nous saluons les quatre points cardinaux. Nous sommes en maillot de bain comme on nous l'a recommandé, mais certains décideront de tomber le maillot à la faveur de l'obscurité. Les participants pénètrent dans le temazcal l'un derrière l'autre, et le premier entré se dirige vers la gauche. Il doit s'avancer jusqu'à la porte d'où il sera le premier à sortir après la séance. Chacun aura ainsi fait le tour complet du temazcal.

La temazcalera nous demande ensuite de nous présenter. Le prénom suffit. Elle invite ensuite le préposé au feu à apporter les premières pierres volcaniques. Avant d'entrer, il crie « pietra caliente ! », ce qui veut dire « pierres chaudes ! », ce à quoi nous devons répondre « ho ! », pour signifier que nous sommes prêts à accueillir les pierres et la chaleur qu'elles dégageront. Il utilise une sorte de longue spatule, comme celles qui servent à enfourner le pain ou la pizza, pour déposer les pierres volcaniques brûlantes dans un puits au milieu du temazcal. Une fois cette tâche terminée, il sort et referme la porte derrière lui. Nous sommes dans l'obscurité la plus complète sauf pour les lueurs rougeâtres projetées par les pierres incandescentes. La temazcalera s'enquiert des images que ces lueurs nous suggèrent et les interprète. Elle verse ensuite ce qu'elle appelle du thé sur les pierres. Il s'agit d'une décoction d'herbes variées dont le romarin, la sauge, le basilic et les feuilles d'avocat. L'odeur est agréable et modifie l'ambiance du temazcal. Les pierres ainsi saisies révèlent d'autres formes et d'autres couleurs qui changent sans cesse.

La temazcalera joue d'une sorte de tam-tam, puis appelle de nouveau les pierres que nous nous préparons à accueillir. L'opération se répète afin que la porte s'ouvre quatre fois, en référence aux quatre points cardinaux et aux quatre éléments.

Nous combattons la chaleur en buvant de l'eau et en nous aspergeant d'eau à même des louches reposant dans de grands bols. La chaleur est moins pénible au ras du sol et certains s'étendent sur les nattes qui tapissent le plancher du temazcal. L'une d'entre nous, incommodée par la chaleur, profitera de la troisième ouverture de la porte pour se retirer.

Nouvelle fournée de pierres chauffées. L'un voit un ciel étoilé, l'autre un visage. Sont-ce des hallucinations ? Il me semble que certains participants sont coiffés d'une aura.... L'atmosphère est propice aux confidences. L'une pleure doucement. La chose pourrait tourner à la thérapie de groupe, mais ne dérapera finalement pas. La temazcalera suscite la participation, sans la forcer, et parle doucement d'une voix toujours rassurante.

Vers la fin, est-ce par manque de concentration, la chaleur me devient plus difficilement supportable. Finalement, la porte s'ouvre pour une dernière fois. Nous sortons dans l'ordre. On nous invite à prendre une douche sur place et à boire quelque chose, jus de fruits ou infusion, et à croquer un fruit. La session aura duré moins de deux heures.

Plus qu'une attraction touristique, le temazcal est un rituel traditionnel toujours vivant pour plusieurs Mexicains qui le fréquentent régulièrement. Gregorio, membre du personnel de direction du spa de l'hôtel Melia Paradisus Cancun, se rappelle que quand il était enfant, le temazcal était un rituel familial. Cette tradition a disparu en plusieurs endroits, mais il continue pour sa part à fréquenter régulièrement le temazcal au rythme d'environ une fois par mois. Gregorio explique que chaque session est différente et que le temazcal lui apprend toujours quelque chose sur lui-même. « Ça me donne l'occasion de prendre le temps de m'arrêter à ce que je ressens à l'intérieur de moi. Que je sois triste, déprimé, fâché ou heureux, je sors changé du temazcal, comme si j'accédais à un niveau supérieur de conscience », explique-t-il.

Mystique ou non, thérapeutique ou non, cette expérience est intéressante, ne serait-ce que parce qu'elle permet un moment de réflexion ou de méditation. Même si on ne ressent pas nécessairement toute la spiritualité de la chose, le fait de demeurer tranquillement dans le noir pendant plus de 90 minutes permet de se reconnecter sur soi-même, et de savourer les bienfaits de désintoxication de la sudation.

Précautions

Le temazcal n'est pas recommandé aux femmes enceintes, aux personnes souffrant d'hypertension, d'asthme ou de problèmes cardiaques.

Il est recommandé de ne pas manger ni consommer d'alcool au moins trois heures avant une séance de temazcal.

Il ne faut garder aucun bijou sur soi, le métal pouvant devenir brûlant. La température du corps peut atteindre les 40 degrés.

Louise Gaboury