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L’effet Grandes bibliothèques


On avait prédit la disparition des bibliothèques et voilà qu'elles connaissent une spectaculaire remontée. Ironiquement, notre époque électronico-virtuelle passera peut-être à l'histoire comme celle de l'âge d'or des grandes bibliothèques.

Depuis la dernière décennie du XXe siècle, elles sont une vingtaine, nationales, municipales ou universitaires, à avoir vu le jour un peu partout sur la planète. La Bibliothèque nationale de France-François-Mitterand, considérée par plusieurs comme le plus important édifice public construit en France au cours du XXe siècle, a en quelque sorte lancé le mouvement. D'autres sont entrées dans la danse comme Royal Library de Copenhague, la Bibliotheca alexandrina, et la toute nouvelle Grande Bibliothèque du Québec.

Nouvel attrait des bibliothèques

Si les bibliothèques ont survécu, c'est sans doute que leur mission et leur conception ont changé. Leur rôle ne se limite plus uniquement à la conservation de livres et à la lecture. Elles sont devenues des lieux d'information, de rencontre, de culture, d'éducation et de divertissement, et même des attractions touristiques fréquentées par les visiteurs étrangers.

Les curieux affluent vers ces monuments au savoir, attirés par la beauté de leur architecture et parce que plusieurs d'entre elles tiennent des expositions ou proposent des visites guidées, mais également plus prosaïquement pour profiter d'un accès Internet gratuit ou économique...

À titre d'exemple, en 2004, les expositions présentées au site François-Mitterand de la Bibliothèque nationale de France ont accueilli 74 500 visiteurs et les différentes manifestations culturelles, 23 800 spectateurs. Près de 20% des participants aux 446 visites guidées du site François-Mitterand étaient des étrangers.

Lieux de rencontre

Le rôle social de la bibliothèque a changé et la construction des nouvelles bibliothèques en tient compte sans jamais sacrifier à l'esthétique. Les plans des bibliothèques modernes comportent souvent des espaces publics intérieurs ou extérieurs, parfois même un jardin. Leur architecture est résolument moderne et leur fenestration, abondante, symbolise son ouverture sur le monde. La Bibliothèque nationale du Québec, inaugurée ce mois-ci, en est un exemple éloquent.

Les nouvelles bibliothèques modifient le paysage d'un quartier. De ce fait, elles attirent les passants du voisinage autant que les touristes. Plusieurs d'entre elles sont situées au centre des villes. C'est également le cas de notre Grande Bibliothèque, résolument urbaine, dont les lignes harmonieuses ont déjà modifié le paysage tristounet de la rue Berri.

Le nouveau visage de Paris

Dans la Ville Lumière, on a plutôt fait le pari de développer un quartier autour d'une bibliothèque un peu excentrée. Au moment de sa construction, le quartier où s'élève maintenant la Bibliothèque François-Mitterand, était dépeuplé. Il n'était alors qu'entrepôts désaffectés, voies de chemin de fer à demi abandonnées, et petites entreprises en déclin.

Oeuvre de Dominique Perrault, la Bibliothèque nationale François-Mitterand se compose de quatre grandes tours en équerre que d'aucuns ont comparées à des livres ouverts, délimitant une esplanade et un jardin intérieur. Malgré ses défauts, son gigantisme et ses coûts exorbitants dénoncés à grands cris, le projet pharaonique de François Mitterand a tout de même contribué à donner une deuxième vie au 13 e arrondissement, grâce notamment à la nouvelle ligne de métro ultramoderne qui le dessert, la Ligne 14, une merveille d'ingénierie complètement automatisée.

Depuis l'inauguration de la Bibliothèque en 1998, le sud-est de Paris revit. Il a accueilli ces dernières années 15 000 nouveaux habitants, mais également des entreprises qui génèrent une cinquantaine de milliers d'emplois, des cinémas, des restaurants et des galeries d'art.

Paris rive-Gauche devient maintenant un nouveau pôle estudiantin grâce à l'implantation de l'Université Paris VII Denis-Diderot dans le quartier avec 1000 enseignants-chercheurs, 1000 employés administratifs et 22 500 étudiants, et de l'Inalco (Institut National des Langues et Civilisations Orientales), fréquenté par 5000 étudiants.

Les prix des appartements grimpent et les mises en chantier se multiplient. L'effet domino se ressent même de l'autre côté de la Seine avec la récente réhabilitation du quartier Bercy.

Alexandrie renaît

Avec ses trois musées, ses cinq instituts de recherche, ses aires d'expositions, son planétarium, son centre des congrès de 3000 places, la Bibliotheca alexandrina contribue à drainer vers Alexandrie les touristes qui l'avaient désertée depuis quelques décennies.

Mille six cents ans après la disparition de la plus grande bibliothèque de l'Antiquité, et deux ans et demi après l'ouverture de la Bibliotheca alexandrina près du site de la mythique bibliothèque construite sous Ptolémée, la ville semble renaître.

Conçu par de jeunes architectes norvégiens, l'imposant édifice représente un disque solaire inachevé qui émerge de la terre face à la mer, pour symboliser l'ouverture et l'immensité du savoir. Un mur de granit d'Assouan sur lequel sont gravés les alphabets du monde, encercle l'édifice de onze étages.

La construction de la Bibliotheca alexandrina a ravivé la fierté de la ville d'Alexandrie. Dans la foulée, on a entrepris la restauration de la corniche, encouragé la rénovation des belles façades et des squares, nettoyé la ville des ordures qui s'amoncelaient un peu partout et fait un grand ménage. Cet immense « lifting » a été financé par de riches Alexandrins amoureux de leur ville. Depuis le début, la rénovation fait « boule de sable », et déborde la corniche pour gagner les quartiers du centre.

« Alexandrie a beaucoup changé ces dernières années. Avec ses places remodelées et ses façades repeintes qui témoignent de sa vitalité économique et la Bibliothèque, qui s'impose comme centre culturel, la ville provoque l'envie des Cairotes », déclare l'archéologue français Jean-Yves Empereur qui ne cache pas sa passion pour la ville.

« Je crois que la Grande Bibliothèque a accéléré la renaissance de la ville, estime pour sa part Taher A. Khalifa, directeur des communications de la Bibliotheca alexandrina. « Elle ne peut régler son problème de surpopulation, mais avec la vie intellectuelle qu'elle anime, elle contribue à la naissance d'un nouveau cosmopolitisme. Je ne sais pas si Alexandrie redeviendra le lieu de rencontre des savants et des intellectuels du monde entier, mais il risque de s'y passer quelque chose », conclut-il.

La Bibliotheca alexandrina propose des expositions et un programme de conférences. Depuis son inauguration à l'automne 2002, elle a reçu plus d'un million et demi de visiteurs. Attirés par ce spectaculaire monument qui fait entrer l'Égypte dans le XXIe siècle, les touristes recommencent timidement à fréquenter la ville fondée par Alexandre le Grand en 331 avant notre ère.

La nouvelle grande bibliothèque québécoise

Gagnants d'un concours international d'architecture, les architectes canadiens Patkau/Croft/Pelletier/Meknès Shooner Dagenais ont privilégié l'ouverture, la clarté et la transparence dans la conception de la Grande Bibliothèque, fruit de la fusion entre la Bibliothèque nationale du Québec et la Bibliothèque centrale de Montréal.

À l'intérieur, les architectes ont choisi le bouleau jaune, arbre emblème du Québec, pour délimiter le champ de la collection publique et celui de la collection québécoise. Chacune se retrouve dans une chambre de bois distincte, un clin d'oeil au chef-d'oeuvre de la romancière Anne Hébert Les chambres de bois. Dans ces pièces d'une légèreté surprenante, la lumière est harmonieusement modulée par le verre et le bois pour procurer aux lecteurs l'éclairage le plus naturel possible, tout en protégeant les collections des rayons du soleil.

Conscients du rôle nouveau des bibliothèques, les architectes ont créé des espaces fonctionnels en pensant autant aux usagers qui passeront en coup de vent pour trouver rapidement ce dont ils ont besoin, qu'aux chercheurs qui y resteront de longues heures, ainsi qu'à ceux qui voudront profiter à loisir des espaces d'expositions, des coins réservés à la lecture, ou s'attarder le long de la rampe qui fait doucement le tour de la bibliothèque. Le mobilier confortable et esthétique est signé Michel Dallaire, concepteur du mobilier urbain du quartier international de Montréal pour lequel il a reçu la médaille d'or et le prix du design industriel au 31e Salon International des Inventions, des Techniques et des Produits nouveaux de Genève.

Située au confluent de trois lignes de métro, juste en face de la gare d'autobus, la Grande Bibliothèque aura quatre accès, dont l'un directement de la station de métro Berri-UQAM et un autre, de son stationnement de 400 places. À deux pas de l'Université du Québec et du Cegep du Vieux-Montréal, de quelques salles de spectacles et d'un complexe de cinémas, un carrefour névralgique où circulent un demi million de personnes chaque jour, la Grande bibliothèque bénéficie d'un terreau culturel fertile et d'un potentiel de fréquentation unique.

Elle entend profiter des avantages de sa situation pour s'imposer au coeur de la vie montréalaise. On y organisera des visites guidées, des rencontres d'auteurs, des tables rondes et des expositions qui affirmeront sa vocation culturelle. Son rayonnement dans la communauté sera notamment assuré par l'offre d'une gamme de services aux nouveaux arrivants, aux communautés culturelles, aux gens d'affaires, aux personnes souffrant de handicaps visuels ou auditif et aux chercheurs d'emploi.

Repères

. Alexandrie est à 220 kilomètres à l'est du Caire. Située dans le centre de la ville, la Bibliotheca alexandrina est ouverte les dimanches, lundi, mercredis et jeudis de 11h à 19h et les vendredis et samedis, de 15h à 19h. Des tours guidés de la bibliothèque durant environ une heure sont offerts en français. Réservations :
visits@bibalex.org . Téléphone : 203 483 99 99 (www.bibalex.org/).

. La Bibliothèque nationale France-François Mitterand est ouverte du mardi au samedi de 10h à 20h et le dimanche de midi à 19h.On peut la visiter. Elle est située au 11, quai François-Mauria (01-53-79-59-59). On y accède par le métro (station Quai de la Gare. Bibliothèque François-Mitterand), par le RER C et par les bus 62, 89 et 132 (www.bnf.fr/). L'organisme Roue libre offre des visites guidées du 13 e arrondissement à vélo (www.rouelibre.fr/) et Paris balades propose une promenade guidée sur le thème de l'architecture moderne autour de la Bibliothèque (www.parisbalades.com/).

. La Grande Bibliothèque du Québec a ouvert ses portes au grand public le 30 avril 2005. Elle est ouverte du mardi au dimanche de 10 h à 22 h. L'horaire prolongé de la section Actualités et nouveautés permet aux noctambules de la fréquenter sept jours par semaine de 10h à minuit. Trois visites guidées quotidiennes aident les visiteurs à percer ses secrets. Des visites spéciales peuvent être organisées pour des groupes. La Grande Bibliothèque a pignon sur rue au 475, boul. De Maisonneuve est. (métro Berri-UQAM). Téléphone (514) 873-1101 (www.bnquebec.ca).

Louise Gaboury