Partager sur Facebook Partager sur Twitter Partager sur Google Plus Partager sur Flipboard
Article publié dans le webzine de Novembre 2009

Les grandes migrations: des oiseaux et des hommes


Les biologistes s’interrogent depuis longtemps sur les migrations animales. Les sociologues en font sans doute autant avec les migrations humaines. Nous proposons ici une étude comparative des déplacements de chacun basée sur une revue de la littérature et des observations cliniques échelonnées sur plusieurs années.

Les comportements animaux et humains présentent des similitudes, mais aussi d’importantes différences. Même si on surnomme les mammifères bipèdes migrateurs saisonniers, les « snow birds », il est important de savoir que ce ne sont pas seulement les oiseaux qui cherchent des cieux plus cléments : des papillons, des poissons et des cervidés le font également.

Anatomie des migrateurs

Ce ne sont pas tous les oiseaux qui migrent. Il existe quatre catégories d’oiseaux. Un peu comme les humains, ils sont ou bien  résidents permanents, résidents d’été, résidents d’hiver, ou en transit. Les oiseaux sont des résidents d’été ou d’hiver selon l’endroit  L’âge des animaux migrateurs varie selon les espèces. Certaines voyagent en famille, comme les hirondelles. Chez d’autres, l’usage veut que les jeunes de l’année partent seuls, avant les parents, un comportement que l’humain accepte difficilement. Certains papillons ne font le voyage qu’une fois dans leur vie. Chez l’Homme, ce sont surtout les spécimens plus âgés qui migrent, ce qui n’empêche pas leurs rejetons de les visiter à l’occasion dans leur lieu de migration.

L’instinct migrateur

Ce n’est pas le froid qui chasse les animaux, mais l’appréhension du manque de nourriture, ce qui ne semble pas être le cas pour le bipède qui nous intéresse. Le temps qu’il fait, qu’il a fait et qu’il fera est sa préoccupation quotidienne. Obsédé par le soleil, il appréhende plutôt la neige et le froid. Une fois à destination, il continuera de suivre les ravages de l’hiver nordique à distance pour se rassurer sur ce à quoi il a échappé. Ce comportement ne trouve pas d’équivalent chez les animaux migrateurs dont certaines espèces migrent par contre pour s’accoupler. Une pareille  motivation n’a pas été documentée chez les humains. Quoique…

 

Le signal du départ

Les animaux partent après avoir fait le plein d’énergie.  Les humains partent souvent fatigués et comptent refaire le plein, arrivés à destination. S’ils n’aiment pas partir leréservoir vide, ils attendront parfois de le remplir arrivée de l’autre côté de la frontière, si les conditions y sont plus avantageuses.

Les comportements varient selon les spécimens du genre humain. Certains partent avant que la dernière feuille d’automne ne touche le sol. D’autres dès la première neige tombée, et d’autres enfin, seulement quand le mercure descend dans les -20o.

Lieux de migrations

En hiver, les oiseaux d’Europe du Nord volent vers l’Espagne, le Portugal et l’Afrique. Les nord-américains choisissent le sud des Etats-Unis, le Mexique et l’Amérique centrale. Les humains ont tendance à suivre ce même modèle. Les Nord-américains choisissent le sud des Etats-Unis et les Antilles. Les Européens et quelques Nord-américains, il faut le dire, optent pour l’Espagne, le Portugal et l’Afrique du Nord. Nord-américains et Européens se rencontrent également parfois dans les Antilles.

Plusieurs facteurs influencent le choix d’une destination lors des grandes migrations humaines : le prix du baril de pétrole, le taux de change et les spéciaux des transporteurs aériens, voyagistes et compagnies de croisières. Les animaux sont toujours à la recherche de nourriture. Les destinations peuvent varier selon les espèces puisqu’elles ne se nourrissent pas toutes de la même façon.

Itinéraires de migrations

Certaines espèces animales prennent toujours le même chemin. D’autres non. Certaines voyagent en groupe, d’autres non. Il en est de même pour les humains. Les bipèdes migrateurs utilisent indifféremment la voie terrestre ou celle des airs. Une proportion d’entre eux préfèrent toutefois voguer sur les flots bleus pour joindre des îles ensoleillées.

Les animaux suivent des cours d’eau et se regroupent pour traverser des cols. Les animaux font plusieurs haltes en route pour se ravitailler. Les humains, également. Ni l’un ni l’autre ne pourraient parcourir 3000 kilomètres sans faire le plein! On croit que les animaux qui empruntent la même route d’année en année ont leurs repères : des cours d’eau, des vallées, et même des édifices en hauteur qui leur serviraient de phare. En cela, ils sont semblables aux bipèdes migrateurs qui ont leurs repères dont certains sont également des repaires, comme le légendaire « South of the Border ».

Certains oiseaux migrateurs qui préfèrent voyager de nuit,  font de courtes siestes pendant le jour. Les scientifiques pensent que certains d’entre eux peuvent même somnoler en vol. Les humains ne devraient pas essayer de faire la même chose au volant.

Les oiseaux ont une acuité visuelle très supérieure à celle de l’homme. Les animaux s’orientent grâce au soleil, à la lune, aux étoiles et même au champ magnétique de la terre, comme ce serait le cas pour les pigeons voyageurs dont on dit qu’ils ont une boussole interne. Quelques espèces auraient leur propre système de navigation et seraient même capables de détecter la latitude et la longitude. L’humain utilise plutôt des cartes routières et les dernières découvertes technologiques comme le GPS. Il utilise par ailleurs la technologie pour documenter et retracer les études sur les migrations animales…

Les bipèdes migrateurs qui empruntent les autoroutes du soleil ont le choix de contourner les grandes villes ou les régions plus neigeuses Chez quelques espèces animales, l’itinéraire du voyage aller diffère parfois de celui du retour. Comme les animaux, l’Homme peut varier son itinéraire pour des raisons météorologiques, mais ses motivations sont plus larges : essayer son swing sur un parcours de golf de la Caroline du Sud, ou visiter un musée en Virginie, par exemple. Alors que certaines espèces d’animaux peuvent être perturbées par ce qu’on appelle la pollution lumineuse, celle-ci serait plutôt sécurisante pour les humains.

À leur retour de migration, l’animal est souvent assez mal en point. Il est affaibli et amaigri, ce qui n’est pas nécessairement le cas du mammifère bipède, surtout s’il a abusé du champagne du pauvre et des spécialités gastronomiques locales…

Durée de la migration

Les animaux migrent au moins pour quelques mois. Pour certains spécimens humains, une semaine ou deux suffiront. Les bipèdes plus âgés qui disposent de plus de temps libre préféreront s’échapper pour quelques mois, voire la moitié d’une année. Souvent, la durée de la migration est restreinte par des lois et règlements qui limitent les séjours à l’étranger, notamment pour des raisons fiscales, un incitatif non négligeable pour les migrants bipèdes.

 

Changements climatiques et migrations

La planète se réchauffe et provoque des changements dans les modèles migratoires des espèces animales et humaine. Alors que des experts estiment que le nombre d’animaux migrateurs est en baisse pour cause de changements climatiques de destruction d’habitats et d’usage de pesticides, les humains migrateurs sont en plein renouvellement d’effectifs avec l’arrivée des baby-boomers à l’âge de la retraite.

On a remarqué, en Grande-Bretagne notamment des changements dans les modèles de migrations chez les oiseaux. Jasper Copping, rapporte dans le quotidien britannique Telegraph du 16 mars 2008  que pour la deuxième fois de l’histoire, on a vu une hirondelle passer l’hiver dans les Cornouailles plutôt que d’aller en Afrique du Sud comme ses semblables. Cette hirondelle solitaire aurait passé les mois de novembre à février dans un petit village près de Truro. Paul Stancliffe, porte-parole du British Trust for Ornithology a émis l’hypothèse que l’oiseau ait pu se trouver un endroit bien abrité et assez chaud pour que les insectes et la flore y aient survécu. « Il y a 10 ans, il n’aurait pu survivre », conclut-il. À l’hiver 1989-90, un oiseau avait été aperçu à Penzance, mais il avait définitivement disparu le 14 janvier…

On pourrait penser que l’humain aurait tendance à être plus sédentaire devant le phénomène du réchauffement de la planète. Cependant, quand ce réchauffement implique des précipitations supplémentaires, surtout si elles sont de forme solide, le syndrome du « ras-le-bol-du-bipède-pelleteur » le force à partir.

 

 

Saviez-vous qu’il existe une journée mondiale des oiseaux migrateurs qui est célébrée la deuxième fin de semaine de mai? À notre connaissance, il n’existe encore rien de tel pour les humains migrateurs…

 

 

 

Louise Gaboury