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Article publié dans le webzine de Novembre 2012

La Vénétie : autour de Venise…


Il ne s'agit pas d'oublier Venise, mais d'en faire le point d'orgue du voyage en empruntant le chemin des écoliers et en s'attardant à de petits trésors méconnus, prolongeant de lents préliminaires.

Venise exerce un tel pouvoir d'attraction qu'on a envie de s'y précipiter pour entrer vite au coeur du sujet, je vous propose plutôt quelques longues errances qui étirent le plaisir. De toutes façons, tant de beauté se déguste à petites bouchées. Pour goûter Venise et se laisser séduire par la Sérénissime, il ne faut pas être pressé et, à l'exception de Mestre et Marghera, Venise est presque aussi belle autour qu'en dedans.

Loin de la foule déchaînée : Treviso

D'abord, il y a Tréviso, souvent comparée à Venise. Comme l'ancienne république, elle est née des eaux. Treviso est parcourue de canaux, mais aussi traversée d'un très long fleuve, le Sile, qui coule jusqu'aux îles vénitiennes. Elle affiche également des palais aux façades peintes dans sa vieille ville qui est, contrairement à Venise, entourée de remparts. La ville était déjà fortifiée à l'époque romaine, mais la structure actuelle, une épaisse muraille de briques qui court sur près de quatre kilomètres, est plus tardive. Son apparence actuelle est plus ou moins ce qu'elle était au XVe siècle. Après avoir été violemment bombardée par les Allemands en 1944, et reconstruite dans les années 1950, la ville préserve jalousement quelques maisons anciennes datant de la Renaissance.

À Treviso, tous les chemins mènent à la Piazza dei Signori, un salon en plein air au coeur de la vieille ville. Confortablement installés sur la terrasse du Beltrame, c'est l'endroit où grignoter tranquillement un sandwich accompagné d'une flûte de Prosecco, en admirant l'architecture de la place et en zieutant les habitants de la ville natale du géant Benetton, qui a d'ailleurs pignon sur rue juste à côté. Le groupe a restauré deux palais voisins pour y établir un centre culturel.

La petite ville se parcourt facilement à pied, mais les mordus du vélo pourront essayer le système de vélos publics qui s'appelle ici TV Bike.

Curiosités :

. Dans la salle capitulaire du cloître de l'église San Nicolo, on peut voir ce qui est apparemment la première représentation d'un humain, un moine en l'occurrence, avec des lunettes...

. On trouve également à Treviso, au détour d'une ruelle une originale Fontane delle tete (fontaine des seins).

Prosecco, Grappa et caffè

C'est le pays du Prosecco qu'on boit ici pratiquement comme de l'eau ! On peut tout apprendre sur les vins du pays à la Villa Sandi, construite en 1622. Ce magnifique exemple de l'école palladienne, où Napoléon aurait séjourné, est au coeur d'une grande propriété qui produit notamment le fameux nectar. Impressionnantes, les caves aménagées dans d'anciennes tranchées. www.villasandi.it

Comme son nom l'indique, Bassano del Grappa est la capitale de cette eau-de-vie de marcs de raisins. La petite ville est également reconnue pour ses céramiques. Le besoin créant l'organe, il faut bien boire sa Grappa dans quelque chose ! Ceux qui comme moi n'apprécient pas la grappa, ne devraient pas bouder la ville au demeurant charmante avec sa belle piazza Garibaldi, ses rues étroites, ses arcades et son spectaculaire pont couvert maintes fois démoli et reconstruit depuis le XIIIe siècle. Sa version actuelle est basée sur un projet du célèbre architecte vénitien Andrea Palladio (encore lui !), le cerveau derrière les belles villas vénitiennes, dont une vingtaine figurent sur la liste du Patrimoine mondial de l'Unesco.

La marque locale de café est le Hausbrandt, grand rival de Illy, comme lui né à Trieste. On trouve des succursales ici et là dans Treviso.

Des villes fortifiées

Bâties pour la guerre, elles respirent la paix. Si elles ont pu être ennemies, ces villes fortifiées ne rivalisent plus maintenant que de charme. Enceintes, tours, châteaux fort, leurs monuments sont tous plus beaux les uns que les autres.

Avec son écrin de verdure, sa grande place aux façades colorées, ses arcades, et cette magnifique Tour civique de la Porta Vecchia, Este m'est allée droit au coeur. C'est le genre d'endroit où on a envie de déposer ses bagages... pour un moment du moins. Mais il y a d'autres merveilles dans le coin.

L'enceinte médiévale de Montagnana, qui s'étire sur près de deux kilomètres pour protéger le coeur de la cité, est une des mieux préservées de la région. On dit même que c'est la plus belle d'Italie avec ses 24 tourelles et ses quatre portes. Son duomo, dédié à Santa Maria Assunta, et terminé en 1502, est spectaculaire, tant de l'extérieur, qu'à l'intérieur. La bien nommée Citadella est remarquable pour son chemin de ronde qui court sur les remparts et pour ses splendides portes, la Padovana, la Vicentina et la Trevisana. La ville abrite aussi un petit bijou de théâtre qui date de la première moitié du XIXe siècle. Les fresques de la salle sont signées Francesco Bagnara auquel est attribuée la décoration de La Fenice, à Venise.



À Castelfranco, ville natale du peintre Giorgione, une de ses oeuvres exposée dans le duomo, fait de l'ombre aux fortifications. La maison du peintre se visite. Marostica  attire l'attention avec son centre médiéval à l'abri d'une colline fortifiée où les spectaculaires remparts relient le château supérieur à celui du bas. Surmontées par un château fort, les romantiques ruelles d'Asolo ont été immortalisées par le poète Robert Browning. La cathédrale sert d'écrin à la très belle Assunta de Lorenzo Lotto.

Enfin Venise !

N'oublions pas que Venise est toute proche. C'est presque l'heure de la découvrir. Peut-être en l'abordant lentement, au fil de l'eau... Des excursions en bateau partent de Treviso et suivent le fleuve Sile jusqu'à la lagune. Une des croisières propose des visites d'îles secrètes comme San Francesco del deserto, où se trouve un monastère franciscain encore actif, et San Lazzaro degli Armeni, qui a déjà abrité un lazaret et est maintenant occupée par un monastère arménien. Ces deux endroits émouvants empreints d'un certain mysticisme, ne sont qu'à quelques encablures de la vibrante place San Marco, devant laquelle le capitaine nous fera peut-être le bonheur de passer avant une escale à la très colorée Burano.

Autrement, le périple en Vénétie se termine à la gare de Treviso. Après une trentaine de minutes de train, nous serons enfin disposés à jouir de l'incomparable et sensuelle beauté de Venise. Prêts pour le syndrome de Stendhal ?

EN VRAC :

Dormir: Le Continental, un hôtel 4 étoiles au charme suranné situé tout proche de la gare de Treviso et pratiquement dans les fortifications, à la porta Altinia. Paolo Sorrentino y a tourné un film particulièrement noir, Le consequenze dell'amore, présenté en sélection officielle à Cannes en 2004. Autour de 100 euros incluant le petit déjeuner. Bar sur place où siroter un Spritz Aperol ou un Prosecco. hcontinental.it

Manger vénitien :

. Le risi e bisi est un ancien plat classique qui oscille entre le risotto et la soupe, une hésitation  qui ne l'a pas empêché de devenir le plat typique du Doge le jour de la Saint Marc. Il est fait avec du riz bien sûr, des petits pois verts, du beurre, du persil, de la pancetta, de l'oignon et du parmesan râpé.

. Les bigoi in salsa, de gros spaghettis simplement nappés d'une sauce à base d'huile d'olive, d'oignon et d'anchois, se mangeaient surtout les jours maigres comme le mercredi des cendres, le vendredi saint et la veille de Noël. On les trouve aujourd'hui dans presque tous les restos.

. Le foie de veau à la vénitienne est préparé avec des oignons qui ont frémi dans l'huile et auxquels on a ajouté un peu de vinaigre.

. Les seiches à la vénitienne sont saisies dans l'huile d'olive dans laquelle on a fait revenir de l'oignon, et servies avec une sauce tomate.

Slowfood

Slowfood a travaillé fort dans la région. Les efforts du groupe ont permis notamment de protéger l'artichaut violet de Sant'Erasmo, qu'on mange au printemps arrosé de jus de citron, les fromages Asiago stravecchio et  Morlacco del Grappa di malga.

Restaurants

À Treviso :

. L'affaire du siècle, une mozzarella in carrozza au jambon ou aux anchois (plus authentiques) et un verre de Prosecco : 2,40 euros au comptoir de l'Osteria della gigia, pas très loin de la Piazza dei Signori.

. Bonnes et pas chères, les pizzas de Da Pasqualino, via Pescatori, près de l'hôtel Continental.

. Le menu de Muscoli affiche toujours du poisson et des fruits de mer frais. Le soir tombé, la terrasse s'installe sur la place même où se transigeaient les poissons le matin.

À Montagnana :

. Ca'lice, (signifiant « maison d'Alice » et également, calice comme dans « verre à vin »), un sympathique petit établissement qui sert un prosciutto divin et du vin, bien sûr.

À Asolo :

. La Pizzeria Bar Cornaro, logée dans une maison ancienne en plein coeur de la petite ville, dispose d'une bien agréable terrasse. Aux fourneaux, Maria cuisine comme à la maison.

À l'agenda:

. Le samedi matin, l'immense marché de Treviso qui longe les murs près de la porte San Tomaso déborde dans les petites rues environnantes. On y trouve de tout, de la bouffe aux fringues.

. La fête du prosciutto a lieu la troisième fin de semaine de mai à Montagnana. On y célèbre le jambon Veneto Berico-Euganeo D.O.P. avec force dégustations, spectacles, concerts, expositions et visites guidées.

. Le Palio des 10 communes du Montagnanese, un spectacle historique, a lieu tous les ans le premier dimanche de septembre.

. La partie d'échecs géante de Marostica se déroule tous les deux ans (les années paires) dans le superbe cadre médiéval de la Piazza degli Scacchi. La partie d'échecs, qui se joue avec des personnages humains en costume d'époque et des chevaux, commémore un événement qui a eu lieu en 1454. Prochain rendez-vous en septembre 2014. www.marosticascacchi.it

www.veneto.to

Louise Gaboury