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Article publié dans le webzine de Juin 2013

Paris : passages secrets… ou presque


Ils n'ont pas l'exubérance de la Galerie Victor-Emmanuel II à Milan, ni l'opulence des Galeries St-Hubert à Bruxelles. Les passages parisiens sont plus intimes, plus discrets, voire modestes. Modestes, mais quand même... Ça n'empêche pas certains d'entre eux d'afficher marbres, dorures, mosaïques et verrières.

Splendidement décorée, la galerie Véro-Dodat est la première à avoir été inscrite à l'Inventaire supplémentaire des Monuments historiques, en 1965. La déco de la galerie Vivienne, reine des galeries parisiennes, s'inspire de l'Antiquité: couronnes de laurier, gerbes de blé, palmes et cornes d'abondance en abondance. Ses fascinantes mosaïques sont signées du grand maître Facchina.

Il était une fois...

L'histoire commence avec l'inauguration des galeries du Palais-Royal en1786. À court de fonds, le duc d'Orléans avait décidé de bâtir une aile commerciale en bois dans le jardin du Palais-Royal pour se renflouer. L'endroit est vite devenu un des lieux de promenade favoris des Parisiens. La mode était lancée.

Logés sous de larges verrières et bordés de boutiques de luxe, galeries et passages abritent alors les passants des intempéries. Ils permettent aux élégantes de garder le pied sec en ces temps où les rues de Paris n'étaient pas pavées et où n'existaient ni trottoirs, ni égouts. Éclairés au gaz ils assuraient également une certaine sécurité le soir au sortir des théâtres.

Héritiers des souks et ancêtres de nos centres commerciaux, les galeries étaient autant lieux de commerce que lieux de rencontres, tenant également du salon, à la mode à l'époque. L'âge d'or des passages couverts, concentrés sur la rive droite, se termine avec les travaux du baron Haussmann, l'ouverture des grands magasins, la généralisation de l'éclairage, qui les plongent dans un long sommeil d'où les ont sorti quelques passionnés. Des 150 galeries de l'époque, il n'en reste plus qu'une vingtaine.

Certaines figures emblématiques des passages et galeries ont tiré leur révérence, comme ce célèbre locataire de la galerie Véro-Dodat, Robert Capia. Dans la boutique de ce collectionneur de poupées anciennes, véritable capharnaüm de livres, de jeux, de vêtements, et de meubles de poupées, les poupées précieuses habillées par Worth, Hermès et Vuitton, côtoyaient des poupées plus prolétariennes confiées en adoption au propriétaire des lieux par de vieilles dames du quartier qui n'avaient personne à qui les léguer. Robert Capia, qui avait cofondé en 1999 de l'Association Passages et galeries, a fermé boutique en 2004  et est mort l'année dernière. L'imprimeur Stern, figure de proue du Passage des Panoramas chez lequel tous les grands de ce monde ont fait, pendant des décennies graver leur bristol, même Lénine, dit-on, a laissé sa place à un commerce de philatélie.

Historiquement liés au théâtre et à la littérature, galeries et passages ont gardé une certaine aura de romantisme. Artistes maquilleurs, chausseurs chics, galeristes, caviste, luthier, gantier, créateurs de premier plan, antiquaires et libraires ont choisi ces lieux sur un coup de coeur plutôt que selon les diktats d'une quelconque étude de marketing.

Établie depuis près de 40 ans dans le passage Jouffroy, la galerie Segas vend des cannes dans un cadre au charme suranné qui va à ravir à cet accessoire de dandy d'un autre âge. Le Bonheur des dames, dans le passage Verdeau, fait dans la broderie. Kenzo a relancé le passage Vivienne, Jean-Paul Gaultier y a ouvert sa première boutique. Yuki Torii et Nathalie Garçon l'y ont rejoint. Stella McCartney a choisi les Galeries du Palais-Royal.

Le dédale des galeries permet de fréquenter un musée (Grévin) de faire des courses (Legrand Filles et Fils), de magasiner jusqu'à plus soif, de prendre le thé (A priori Thé) et de se sustenter à loisir.

Refuges de choix les jours de pluie, ces galeries et passages, qui gardent fièrement le souvenir de boutiques insolites aujourd'hui disparues et d'une époque révolue, révèlent, à ceux qui savent scruter leurs vieilles pierres, quelques secrets de l'histoire de la ville.

De passage à Paris ?

. Dormir dans un passage

L'hôtel Chopin, ouvert en 1846, année de construction du passage Jouffroy, est une véritable oasis de calme en plein coeur d'un des quartiers les plus animés de Paris. hotelchopin.fr/

. Manger dans un passage

Quelques restos ont pignon sur passage, des plus modernes et des plus branchés, mais Le Grand Colbert est le plus ancien. Il a d'abord été magasin de nouveautés avant de devenir restaurant au tout début du XXe siècle. legrandcolbert.fr

. Visiter les passages

www.passagesetgaleries.org/


Carnet d'adresses

Galeries du Palais-Royal, 18, rue Montpensier. Métro Palais-Royal.

Galerie Vero-Dodat, 19, rue Jean-Jacques Rousseau / 2, rue du Bouloi. Métro Louvre.

Passage des Panoramas, 10, rue Saint-Marc/ 11, boulevard Montmartre. Métro Richelieu-Drouot.

Passage Jouffroy, 10-12, boulevard Montmartre/ 9, rue de la Grange-Batelière. Métro Richelieu-Drouot.

Passage Verdeau, (prolongement des passages des Panoramas et Jouffroy 6, rue de Grange-Batelière/31, rue du Faubourg-Montmartre. Métro Richelieu-Drouot

Galerie Colbert, 4 et 6 rue Vivienne. Métro Bourse.

Galerie Vivienne, 4, rue des Petits-Champs/ 23, rue Saint-Augustin/6, rue Vivienne. Métro Bourse.

Louise Gaboury