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Article publié dans le webzine de Janvier 2017

Fiumara d’arte, un parcours d’art contemporain en Sicile


Les œuvres monumentales commandées par le mécène messénien Antonio Presti sur les hauteurs de Castel de Tusa, entre Palerme et Messine, ont déferlé sur l’île comme un torrent.

Quand il hérite de la fortune amassée par son père dans le très rentable secteur des travaux publics, Antonio Presti décide de consacrer son immense pécule à créer de la beauté. Ce qu’il fera envers et contre tous, se battant pendant une vingtaine d’années contre les autorités locales qui dénoncent les « constructions illégales » que sont pour eux les sculptures qui composent l’émouvante Fiumara d’arte.

Ce parcours d’art a été semé d’embûches, mais les œuvres, certaines en cours de restauration, se dressent toujours fièrement face aux vents, comme autant de points d’énergie, et de points de vue, sur les paysages arides des monts Nebrodi.

La saga commence en 1982 quand Presti entend rendre hommage à son père récemment décédé en érigeant un monument à sa mémoire. Plutôt que d’opter pour une stèle privée, il choisit de demander à l’artiste sicilien Pietro Consagra de créer une sculpture à l’embouchure de la fiumara (torrent) de Tusa, et d’offrir cette œuvre d’art à la communauté.

Le premier jalon de ce qui allait devenir la Fiumara d’arte est donc inauguré en 1986. Cette éloquente sculpture de 18 mètres de hauteur est constituée de deux parties, l’une blanche, l’autre noire, représentant la dualité de la vie et de la mort, du bien et du mal, l’ensemble évoquant la continuité de l’Homme.

Parmi les sculptures les plus évocatrices, le labyrinthe d’Ariane, signé Italo Lanfredini, qui propose un voyage au bout de soi à 900 mètres d’altitude. On y entre avec confiance, puis survient le doute.  À ne pas manquer, notamment la très belle fenêtre sur la mer de Tano Festa, et la pyramide de Mauro Staccioli, érigée sur le 38e parallèle.

Empreinte de symbolisme, la démarche de Presti témoigne également de la relation parfois tumultueuse des Siciliens avec la Mafia et des tracasseries imposées par les administrations corrompues qu’ils ont à subir. Ce n’est qu’au milieu des années 2000, au terme d’un véritable chemin de croix au pays de l’absurde, que le parcours culturel et touristique Fiumara d’Arte obtient finalement droit de cité. Le démantèlement appréhendé n’aura pas lieu.

Dormir dans une œuvre d’art

Parallèlement à ce triste imbroglio politico-juridique, Presti s’était lancé dans un autre projet, l’Atelier sul mare, un hôtel situé face à la plage de Castel de Tusa. Ici, quelques artistes ont eu carte blanche non pas pour décorer, mais pour concevoir des chambres sur des thèmes de leur choix. La moitié de la quarantaine de chambres de l’hôtel jouit ainsi d’une personnalité extraordinaire. Une chambre consacrée aux marionnettes traditionnelles siciliennes. Une autre rend hommage à Pasolini, avec la reconstitution d’une maison du Yémen, un pays qu’il affectionnait, et un peu de sable provenant de la plage d’Ostia où il a été assassiné…

Autre exemple, l’une des chambres, baptisée Linea d’ombra, évoque la ligne d’horizon. Créée par Michele Canzonieri, elle est bâtie autour du thème de la mer. Après avoir poussé la lourde porte coulissante, on pénètre dans la chambre par une passerelle métallique qui monte doucement. Le plancher de céramique bleue évoque les vagues. Une grande fenêtre donne directement sur la mer, l’autre est munie de volets de cuivre qui, quand on les bouge, imitent le murmure du vent. Camouflés, les sanitaires pourraient provenir de la cargaison d’un navire. À la tête du lit, installé sur une plateforme de bois, un vitrail représentant la lune qui se reflète dans la mer. Avec le bruit des vagues qui parvient de la fenêtre qui surmonte la baignoire, l’illusion est parfaite.

À ceux à qui ce type d’émotions artistiques fait peur, l’hôtel propose des chambres standard. Tous les clients ont toutefois la chance d’expérimenter un environnement hors du commun, dans le lobby tapissé d’articles sur l’œuvre de Presti, dans l’ascenseur poétique, et dans la salle du petit-déjeuner, comme une forêt…

www.ateliersulmare.it

 

Louise Gaboury